Charleston – ville maudite

Nous venons de quitter Charleston en Caroline du Sud aux États-Unis. Initialement nous devions y rester 1 ou 2 jours, mais le destin en a décidé autrement.

 

D’après les guides nautiques, il n’y a pas de bon mouillage près de la ville qui est considérée comme l’une des plus belles de la côte Est américaine. On s’ancre en face de la marina municipale, un peu trop près du chenal de passage à notre goût. Quelques minutes plus tard, 2 bateaux s’en vont et on décide de se réancrer. Malheureusement, c’est impossible, tout est coincé au fond de l’eau. A force de tirer dessus, l’ancre casse et on remonte des barres en caoutchouc et une échelle. Le mouillage est connu pour être une décharge publique. Trois bateaux ont coulé mais personne ne sait vraiment où.

 

On envoie l’ancre de secours, plus lourde mais moins bien, elle dérape un peu avant de planter. On reste à bord surveiller. Le lendemain, on part en direction de West Marine acheter une nouvelle ancre. On ne lésine pas, on s’offre la meilleure du marché, une belle rocna de 20kg. Par la même occasion, on apprend que le lendemain il y aura beaucoup de vent et que le mouillage n’est pas tenable si la houle rentre.

 


En rentrant au bateau, c’est une expédition, on a déjà 1m de vague à traverser avec notre petit dinguy rempli de nourriture. Molly fait des bonds dans tous les sens. On range nos commissions et on repart en arrière se cacher dans les waterway. L’ancre de secours est aussi coincée sur quelque chose mais ça vient finalement sans casse.

Ces deux jours dans le canal au milieu de nulle part se passent bien. Pas de vagues, un peu de vent. Vendredi, on part en ville, après 1h de marche, on trouve un bistrot, on commande une bière et on regarde la météo car normalement le coup de vent est passé et on pourrait partir en mer. Mais la météo a changé. Le coup de vent s’appelle maintenant « la tempête tropicale Ana » et nous arrive droit dessus. Pour les prochaines 48h, entre 35 et 45 nœuds de vent annoncé avec alerte tempête. Pff, on repart direction le bateau, le préparer.
De nouveau, la nuit est très calme, presque trop. Au matin, le vent commence à souffler, les nuages sont bas. On demande un point météo car on n’a pas le wifi. La tempête a du retard, elle nous arrive dessus dans la journée. La pluie arrive gentiment. Ça va être l’heure de surveiller et d’espérer que ce ne soit pas trop violent.

 

Le sentiment que je ressens avant une tempête est spécial. Je vais essayer de vous le décrire. On attend de se ramasser quelque chose dessus de violent mais on ne sait pas trop quand ça va arriver. Par moments, on trouve que c’est trop calme, que ce n’est pas normal. On est attentif, les premières rafales arrivent, c’est tenable. Mais on sait que ce n’est que le début, que sûrement ça sera pire. On essaye d’apprécier ce pseudo calme tout en étant un peu stressé. On aimerait que ça arrive, que ça se passe et que ça soit fini. De toute façon, on ne peut rien faire qu’attendre. Du coup, on se repose, on essaye de pas trop y penser, même si au fond notre esprit est entièrement pris par ça. Le pire, c’est l’attente. Les remises en question commencent, sur le 16, tous les bateaux appellent les marinas, mais c’est trop tard, elles sont complètes. On se demande si on a choisi le bon ancrage, si celui plus au sud ne serait pas mieux. En gros, on essaye de se préparer au mieux, car on n’a rien d’autre à faire et qu’une tempête tropicale dans la figure, c’est jamais un bon moment. Et après tout, ce n’est qu’une tempête tropicale, ce n’est pas un ouragan. On a connu pire, comme à Graciosa avec 75 nœuds de vent ou au mouillage à Grenade avec 55 noeuds. Mais on sait que dans ce genre de situation, tout peut très vite dégénérer. Heureusement pour nous, Ana décide d’aller démolir la Caroline du Nord et nous n’avons que quelques rafales. Malheureusement, en traversant l’Atlantique, elle a fait beaucoup de dégâts aux bateaux qui rentraient en Europe. 5 bateaux ont coulé et ceux qui ont survécu ont eu beaucoup de dégâts. Ce qui a été le cas pour notre ami suédois Fredrik qui a chaviré et démoli une bonne partie de son gréement.

 

Suite à ça, on reçoit la visite des coast guards et par la même occasion un avertissement car nous n’avons pas téléphoné pour leur dire qu’on avait changé d’ancrage. A savoir, en tant que voilier étranger, il est obligatoire de téléphoner à chaque changement d’ancrage, sous peine d’une amende de 5’000 dollars la première fois et ensuite 10’000 dollars à chaque récidive.

 

Le lendemain, on retourne se réancrer dans la baie de Charleston. On visite la ville. D’autres bateaux ont les mêmes problèmes que nous lorsqu’ils essayent de remonter leur ancre.

 


Après quelques jours de repos, le vent qu’on attend pour remonter offshore n’est toujours pas là. On a envie de bouger. On décide de passer par le waterway. D’après les cartes, le waterway est dragué à 4 mètres, ce qui est bien assez pour nous. Arrivé devant une embouchure de rivière, on touche le fond, pas moyen de traverser. On jette l’ancre et on attend que la marée remonte, pendant ce temps trois autres voiliers essayent de passer à côté de nous et se plantent tous. Quel spectacle. 3h après, on repart, le premier voilier passe, on essaye mais pour nous c’est toujours pas suffisant. Un autre voilier essaye et vient s’écraser sur nous. Rien de cassé, uniquement de la peinture en moins pour nous. Lui, ça doit être une autre histoire. Un autre encore essaye et se plante également. Pour nous, c’en est assez, on en a marre, on fait marche arrière et on retourne direction Charleston.

 


En arrivant à l’ancrage maudit on retrouve notre ami Jim qu’on connaît depuis un moment. On passe une excellente soirée et on programme de repartir dès que possible en mer et de remonter ensemble jusqu’à Annapolis où il habite. Le lendemain matin, on part faire l’approvisionnement ensemble. Il doit passer à notre bateau dans l’après-midi. Soudain, il arrive et nous crie d’appeler les secours, il dormait et a été réveillé par de la fumée, il n’arrivait plus à respirer. Je regarde, de la fumé sort du bateau. Emilien fait un « Mayday » à la VHF, son bateau est en feu. 10 min plus tard, les secours sont là. Le pont est entièrement en feu, tout brûle, le mât tombe, les secours essayent d’éteindre mais impossible. Finalement, 1h plus tard, le bateau toujours en feu coule dans la baie. Tout le monde repart, aucun marqueur n’est placé pour prévenir qu’un bateau se trouve à quelques mètres sous la surface. On se sent dépité, choqué et triste. Tout s’est passé tellement vite, on n’a rien pu faire, il a tout perdu. Heureusement, Jim s’est réveillé à temps et les pertes ne sont que matérielles. Mais comme il le dit, le rêve s’est envolé, c’est fini. On l’héberge pour la nuit, le temps que des amis viennent le chercher le lendemain matin. De temps en temps, des morceaux carbonisés remontent à la surface, c’est glauque.

 


Trop de mauvais souvenirs, on arrime les deux dinghi sur le pont et le lendemain matin malgré le peu de vent on lève l’ancre. On devrait plutôt dire, on lève LES ancres, puisqu’au milieu de notre chaîne est emmêlée une grosse ancre de jas d’une bonne centaine de kilos. Saloperie de mouillage. Deux heures plus tard et grâce à l’aide de notre copain indien Prashantt, on renvoie l’ancre de jas bien trop lourde par le fond et on met enfin les voiles vers le nord.

Ancre de jas accrochée

Ancre de Jas accrochée

 

Commentaires

  1. babou a écrit le

    Wahou pauvre Jim.
    heureusement rien ne lui ai arriver.
    et rien a vous également.
    Bon charleston pas bon mouillage à ne pas trop allé.

    Bon soeur ton neveux va avoir 2 ans bientôt et tu nous manques bcp.

    Vous êtes tout bronzés les amoureux vous êtes beaux. Et tes créations sont magnifique soeur j’espère que tu m’en gardera qlq une quand tu viendra en ici en vacances.

    On vous aime profitez à fond les chouchous.

    Au plaisir de vous relire

  2. Gwendal a écrit le

    Comme tu dis, glauque… Il y a des endroits comme ça, poisseux, tricards. Des lieux qu’on oubliera jamais parce que plein de malchance. Heureusement, plus loin, c’est le contraire…

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